Portrait de Simone Manicor

Portrait de Simone Manicor

Installée sur 1,7 hectares à Morne-à-l’Eau, Simone produit des œufs, des produits maraîchers et vivriers, biologiques depuis 2008. Elle est venue à INRAE avec une question : « comment réduire les coûts de l’alimentation de mes poules pondeuses ? ». C’est grâce à cette interrogation de départ qu’une expérimentation sur des rations à base de ressources locales et biologiques a intégré le programme de recherche-intervention d’AgroEcoDiv.

Genèse d’un métier-passion : un rotofile et un jardin créole

Si le métier d’agricultrice n’était pas aux origines du parcours professionnel de Simone, il est très vite devenu une passion ; passion d’autant plus évidente que l’agriculture biologique s’apparente pour elle au jardin créole de son enfance.

Photo de Océane

Océane : Peux-tu nous parler un peu de ton parcours professionnel ?

Simone : Après avoir suivi des formations et travaillé quelques années dans le social, j’ai décidé de changer de voie. J'ai fait une formation « création jardin et espaces verts » à l'AFPA. J'ai fait une autre formation en production florale ; et encore une autre en création et gestion d'entreprise. J’ai travaillé en pépinière pendant 7 ans. Et c’est à partir de là que je me suis lancée dans l’agriculture biologique.

Océane : Quelles sont les raisons de cette reconversion professionnelle ?

Simone : Même si j’aimais ce que je faisais, j’avais envie d’autre chose. J’ai suivi une formation d’orientation à l’AFPA. Pendant cette formation, on sortait dehors pour les pauses. Un jour, j’ai vu les gars passer la débroussailleuse et je suis tombée amoureuse de la débroussailleuse. C'est le bruit, le crin qui passe sur l'herbe, c'est la satisfaction du travail fini aussi. J'en ai parlé à ma formatrice, et c’est comme ça que j'ai intégré la formation « création jardin et espaces verts ».

Océane : Pourquoi avoir choisi l’agriculture biologique ?

Simone : C'est quelque chose qui était déjà en moi, parce que dans le jardin on avait le cochon, les poules, les bœufs, on allait pêcher, on faisait le jardin. Il y avait la banane, le pois d'angole, le pois boucoussou, le pois canne, beaucoup de vivrier, et le petit jardin médicinal… La laitue, on ne connaissait pas à l'époque. C'était le modèle du jardin créole quoi. Donc c’est naturellement que je me retrouve dans ce fonctionnement aujourd’hui.

 Simone, autodidacte et formatrice : transmettre l’expérience

Parmi les pionnières de l’agriculture biologique en Guadeloupe, Simone a beaucoup expérimenté sur son exploitation, et a acquis au fil des années une expérience qu’elle souhaite transmettre.

Océane : Comment choisis-tu les cultures que tu mets en place ?

Simone : Tout ce que je fais aujourd'hui, c'est tout ce que j'ai déjà maîtrisé. Au début pour maîtriser, il fallait faire des expériences, donc j'ai fait beaucoup d'expériences sur certaines cultures. Parce que je me suis lancée sans formation spécifique sur l’agriculture biologique. J’ai été autodidacte. J'ai lu beaucoup de bouquins, j'ai fait beaucoup de recherches, et j’ai fait beaucoup d'expériences aussi. Parce qu'il ne suffit pas de lire ! Parce qu'il faut expérimenter ! Il ne faut pas avoir peur d'expérimenter, parce que c'est mon travail, c’est ce qui me permet de vivre. Je prenais beaucoup de risques à faire des expériences sur certaines cultures, et il fallait y aller. Mais aujourd'hui je suis contente du résultat, de la maîtrise que j'ai, de la connaissance que j'ai. Aujourd’hui, quand je plante, c'est pour récolter.

Océane : Tu as arrêté d’expérimenter ?

Simone : Je continue à faire des expériences. J'ai fait l'expérience de l'oignon rouge et de la pomme de terre par exemple et ça a bien marché. Prochainement, je vais essayer la pastèque et le melon car ce sont des cultures que je n’ai jamais faites, mais comme j'ai fait le concombre,… c'est le même style cucurbitacées. J'ai envie de faire l'expérience de la lentille et de l'ail aussi. J’essaye de toujours garder l'originalité, de faire des cultures qu'on ne trouve pas sur le marché, que les gens pensent qu'on ne va pas pouvoir faire ici. L’oignon, par exemple, c’est comme la cive, donc si on fait de la cive ici… Mais la cive tu peux en faire toute l'année parce que c'est les feuilles que tu consommes, et un peu la tige ; l'oignon ce dont tu as besoin c'est le bulbe donc il faut faire attention aux périodes où tu cultives l’oignon.

Océane : Comment partages-tu toute cette information ?

Simone : J'ai eu l'occasion de former une personne qui venait sur mon exploitation, pendant une période de 3 mois, en collaboration avec le centre de formation, Laure De Raffignac et Pôle Emploi. Je suis intervenue au niveau de la théorie et de la pratique. C'est quelque chose que j’aimerais bien continuer de faire. Je me souviens d’une apprenante : elle venait, on travaillait, on s'asseyait, on mangeait, on discutait, on se prélassait. J'ai deux chaises là, si tu veux t'allonger, tu t'allonges, il n’y a pas de problème. Parce que pour moi l’agriculture biologique, c'est une vie, c'est un mode de vie.

« La récompense de mon travail : l’épanouissement du client »

Simone a développé une conception englobante et positive de l’agriculture biologique : c’est une culture du bien-être. Culture qu’elle aimerait voir développée en Guadeloupe, bien que les difficultés d’accès au foncier agricole soient limitantes.

Océane : C’est quoi ce mode de vie alors ?

Simone : C'est une agriculture pour le bien être. Au travail même, on doit ressentir ça. La meilleure récompense de mon travail, c'est de voir l'épanouissement du client. Oui, j'ai besoin d’argent parce qu'il faut faire tourner la baraque quand même, mais je ne cherche pas à être riche. J'aime ce que je fais, je suis passionnée, c'est ma fête, c'est ma vie. Je fais mon travail et quand ça me donne, je prends ; quand ça ne me donne pas, j'accepte. C'est vraiment la simplicité chez moi.

Océane : Pour toi, quel est l’avenir idéal de l’agriculture en Guadeloupe ?

Simone : L'idéal serait que toute la Guadeloupe soit en agriculture biologique et que l’on travaille sur de petites surfaces agricoles. Mais il ne faut pas se leurrer parce que chaque agriculteur a ses attentes et ses contraintes et l’accès au foncier est un problème majeur. Dans tous les cas, il faut travailler car cela ne va pas se faire en un claquement de doigt.