Portrait de Damien Hubert

Portrait de Damien Hubert

Technicien à INRAE depuis 7 ans maintenant, Damien œuvre quotidiennement à la gestion de la ferme-pilote agroécologique du Domaine de Duclos (Petit-Bourg). Avec son expérience, Damien met en lumière la co-construction de la ferme, comme une des originalités du projet AgroEcoDiv et rend compte de controverses, nécessaires au processus de stabilisation des choix.

INRAE et la ferme-pilote, des lieux de co-construction de l’agroécologie

Damien connait INRAE depuis son enfance, car ses parents, agriculteurs, venaient acheter des fleurs d’anthuriums sur le site de Duclos pour leur exploitation. Depuis, en tant que membre du groupe co-concepteur et technicien agricole, il apporte autant qu’il retire des savoirs techniques sur la ferme-pilote.

 Océane : Qu’as-tu appris depuis que tu travailles à l’INRA ?

Damien : Depuis que je suis à l’INRA, j’ai appris un peu plus de techniques, de méthodes de travail, comme le compostage que j’ai appris ici ; les PIF, les Plants Issus de Fragmentation de bananes ; les rotations de cultures… Toutes les techniques que j’ai apprises ici m’ont permis d’évoluer.

Océane : Quels sont les limites et leviers à l’adoption d’innovations agroécologiques ?

Damien : Je pense qu’un agriculteur sera toujours motivé pour utiliser tout ce qui est en agroécologie. Il sera motivé pour utiliser du fumier pour mettre dans ses plantes, il sera motivé pour ne pas utiliser trop d’intrants. Ce qui va le gêner, c’est les quantités. Par exemple, il veut mettre du fumier dans sa banane. Je pense qu’il va avoir un problème de quantité produite dans sa ferme et il sera obligé d’aller chercher ailleurs, parce que la quantité qu’il va produire ne va pas suffire pour mettre en place sa culture.

 Océane :  Pour toi quelle est l’originalité d’AgroEcoDiv ?

Damien : C’est d’associer les agriculteurs, pour co-construire avec eux. Parce que c’est eux qui sont sur le terrain, parce que le chercheur il a une vision très théorique et nous on est plus pratique, on est sur le terrain. Il y a des stratégies qu’on doit voir qu’il ne va peut-être pas voir. Je pense que la ferme-pilote va donner des idées à l’agriculteur pour avoir plus d’autonomie sur son exploitation, à observer son exploitation. Il va falloir qu’il observe son exploitation pour voir les atouts de son exploitation, essayer de faire un état des lieux et la ferme-pilote donne des idées pour aider l’agriculteur à innover.

 Océane : Comment est né le projet de la ferme-pilote ?

Damien : Ça a commencé avec la co-conception. Audrey [Fanchone] nous a réuni, pour pouvoir donner nos avis, nos idées sur comment améliorer l’agriculture du futur en Guadeloupe. J’ai accepté. On est à plusieurs, de différentes branches, des professionnels dans leur secteur.

La co-conception en pratique et en controverse : poule djenm ou coq blanc ?

En effet, une des innovations expérimentées sur la ferme-pilote consiste à rassembler différents professionnels du monde agricole pour définir les objectifs, les cultures, les itinéraires techniques, le calendrier… de la ferme-pilote. Ce ne sont pas moins de 5 agriculteurs, 9 chercheur.se.s, 4 techniciens qui apportent leurs compétences et savoirs pour la prise de décisions. Et ce n’est pas toujours évident…

 Océane : Comment ça se passe entre vous ?

Damien : Ça se passe bien. On a souvent avec Audrey des réunions de travail pour définir ce qu’on va faire, ce qui a été fait, comment faire, comment améliorer, qu’est-ce qu’il faut rajouter ? Donc on se concerte souvent pour voir l’avancement du projet. Dès le départ, on a eu des réunions pour dire qu’est-ce qu’on va mettre. Donc on nous a fait des propositions, chacun était penché sur une feuille, pour dire « oui je suis d’accord parce que ». Et on réunissait tous les papiers pour dire : « M. Untel est d’accord pour ça », et après il y avait une discussion qui était faite pour prendre la décision finale. Et on prenait tous ensemble la décision. Il n’y a pas eu de ratés à ce niveau-là.

 Océane : Il y a des fois où vous n’étiez pas d’accord ?

Damien : Oui. A un moment il y avait les poules. Il y a ceux qui voulaient mettre des poules djenm, des poules d’ici, locales. Et d’autres voulaient mettre des coqs blancs. Donc il y a eu une discussion pour dire que les poules djenm risquent de voler, de s’échapper, et on risque de les perdre. Alors que les coqs blancs, ça ne s’envole pas facilement et ça va rester là.

 Océane : Qu’est-ce qui a été décisif pour ce choix ?

Damien : Parce qu’on s’est rendu compte que ce n’est pas ce que l’agriculteur cherchait. Ce qu’il cherchait en général en Guadeloupe c’est ce qui lui apportera un revenu et sera plus efficace. Alors qu’avoir un truc spécial, comme les poules djenm, ce n’est pas tout le monde qui mange ces poules-là, c’est très spécial. Donc, on a été plus sur la généralité, que sur la spécialisation des poules.

Entretien réalisé par Océane Biabiany, avec Damien Hubert (août 2020)